Un entretien d'embauche

Au début du mois de janvier, un important cabinet immobilier tourangeau me fit  l'honneur de me recevoir pour un entretien d'embauche. Je fus accueilli par une hôtesse souriante bien que son amabilité m'ait paru plus contrainte que naturelle. Afin  de créer une sorte d'intimité avec le client, elle portait son prénom sur un badge accroché au dessus de sa poitrine mais je me gardai bien d'être familier avec elle. Le hall d'accueil où je m'installai était vaste et confortable mais aussi aseptisé. Des écrans diffusaient en boucle un clip vidéo célébrant la société. On y voyait le personnel endimanché reprenant en coeur une chanson à la gloire de l'entreprise et de son guide. La jeune femme qui me reçu portait un tailleur strict. Aucun maquillage superflu ne venait égayer un visage impersonnel et triste. Bien que notre conversation me parut quelque peu guindée, j'eus l'impression de réaliser une prestation honorable. Mon interlocutrice tenta bien de me déstabiliser en me demandant qu'elle était la réputation du cabinet. Je me gardai bien de lui dire la vérité tant cette société est d'une manière générale mal considérée. En me saluant la recruteuse qui devait encore recevoir quelques personnes me promit une réponse rapide. Pourtant, malgré plusieurs relances téléphoniques de ma part, je n'eus aucune nouvelles de cette agence jusqu'à ce weekend. Alors que j'avais renoncé à tout espoir de réponse, je trouvai dans ma boite à lettre un courrier provenant de cette société. Ce n'est pas le rejet de ma candidature qui me surprit mais les mots utilisés pour m'en informer. La Directrice adjointe me remerciait du temps que j'avais bien voulu leur consacrer, ce qui lui avait permis d'apprécier mes "nombreuses qualités", "mon grand potentiel" et mon "approche très intéressante" de leurs métiers. J'ai trouvé ridicule, obscène et déplacée cette flatterie grandiloquente. J'étais finalement bien heureux de n'avoir pas été embauché.