J'aime pas l'soleil

Hier en début d'après-midi, je me suis porté acquéreur d'un essai de Harmut Rosa : "Une critique sociale du temps". J'avais lu dans le Monde des livres un article élogieux à son sujet et le libraire me confirma qu'il s'agissait d'un ouvrage remarquable. J'étais d'autant plus impatient de commencer ma lecture que le résumé figurant sur la quatrième de couverture était alléchant. Je ne pus attendre d'être arrivé à mon domicile et m'installai à la terrasse d'un café. Je commandai une bière blonde et entamai ma lecture. C'était une belle journée printanière. Le soleil avait sorti ses plus beaux atours et profitant d'un ciel bleu azur, il inondait la terrasse où je m'étais assis. La table voisine était animée d'une conversation passionnée. Il me paru qu'il s'agissait de musiciens qui débattaient de l'ordre des chansons de leur prochain concert. Je focalisai sur la seule fille du groupe. C'était la chanteuse. Outre son joli minois, elle était dotée d'une voix magnifique. Je ne me lassais pas de l'écouter parler ou chantonner et j'avais du mal à me concentrer sur mon livre. D'ailleurs, dès la fin du premier chapitre, j'insérai le marque-page et le posai sur la table. Ce n'est pas qu'il m'ennuyait mais je n'y arrivais plus. Les lignes ondulaient sur la page comme le roulis des vagues, se chevauchant mutuellement. Les mots couraient en tous sens, se poursuivaient aux quatre coins de la feuille. Ils se mêlaient à la douce sonorité du chant de ma voisine. Les paroles imprimées et chantées s'entrelaçaient dans une ronde énivrante. Je ne les distinguais plus. La tête me tournait. Une boule fluorescente obstruait ma vue. Une goutte de sueur perlait sur ma barbe naissante. Je posai ma main sur mon front, j'étais trempé. J'avais la nausée. Je me réfugiai dans la fraîcheur du bar où je recouvrai petit à petit mes esprits. Quelle idée aussi de m'installer en terrasse par un temps pareil. Sans rancune camarade soleil mais la prochaine fois….. Non, il n'y aura pas de prochaine fois.