Des millions de kilomètres ...

Publié le par Yves LEMESLE

C'est au détour d'un livre, qu'un souvenir désagréable de mon enfance, jusqu'ici enfoui dans l'insondable abime de ma mémoire, est réapparu subitement. J'ignorais avoir conservé si longtemps dans un coin de ma cervelle cette anecdote. Je devais avoir à peu près sept ou huit ans. Déjà passionné de vélo je passai un après-midi chez ma tante à faire le tour du jardin à bicyclette. Tantôt j’étais un coureur du Tour de France, vêtu de jaune bien entendu, tantôt j’étais un voyageur émérite, découvrant le monde sur mon précieux deux-roues. Dans mon enthousiasme juvénile, j'imaginais même des voyages interplanétaires. Je rêvais comme le font les enfants.  Aussi, lorsque l'instituteur nous demanda de raconter par écrit ce que nous avions fait le dimanche précédent, c'est tout naturellement que je narrai ces quelques heures passées à rêvasser sur mon vélo. Plus que mes coups de pédales, ce sont mes rêves que je couchai sur le papier. Dans ma tête d'enfant, je m'imaginai pédalant pendant des millions et des millions de kilomètres. Je dis bien des millions car c'est exactement à cela que je pensais. Je fus mortifié par la réaction de mon professeur. Il traita publiquement ma rédaction de ridicule sous prétexte qu'il était humainement impossible de faire « des millions » de kilomètres à vélo. La plupart des adultes ont perdu la faculté de rêver et c’est bien dommage. Par malchance, mon instituteur était un adulte des plus vulgaire. Il me ridiculisa publiquement par manque d'imagination et de sensibilité artistique. C'est en tout cas ce que je dis aujourd'hui car à l'époque, je crus vraiment que j'étais très nul. Alors vous imaginez ma joie en lisant ce matin cette phrase dans un livre de Monika Gagerholm, à propos de la séparation d'un couple : « Ils s'étaient retirés à des dizaines de millions de kilomètres l'un de l'autre tel deux animaux blessés ». A des dizaines de millions de kilomètres. Plus de trente ans après, un écrivain finlandais venait confirmer ce dont je me doutais depuis si longtemps, à savoir que c'est mon instituteur qui était obtus et non pas moi qui était irréaliste. C'est une petite revanche que j'apprécie à sa juste valeur.

Publié dans Journal

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C
<br /> Enfin le retour d'Yves ! J'Avais peur que tu n'écrive plus. J'aime bien ton histoire, on a tous eu un prof comme ça. Bisous . J'espère à bientôt. Caro<br /> <br /> <br />
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